jeudi 25 septembre 2014

Dualité de l’être mythique


Et par toi je suis entré dans le banquet du monde, aux  labyrinthes des gouffres putrides. Ô femme majestueusement belle ! Tu m’engendres mille fois dans les revers de tes jambes. Ô femme ! Pierre de jaspe, éclatante, pierre d’améthyste de mille couleurs disséminées sur l’horizon blêmi. Je t’aime comme ce couteau planté dans la tête de la nuit. Tête de Méduse tête de monstre. Ô criminelle de l’aube. Mangeuse d’abîmes de falaises, de pierres tombales et de pierres sanglantes. Noire sirène monstrueuse que j‘aime, tu m’entraînes là où triomphent les  innombrables écueils.  Chantez chantez chantez ! Chantez donc encore pour les matelots ! Mangeuse de pierres.  Mangeuse d’algues marines et de roches… Ô chantez ! Divinité du mal.  Tu bouffes les araignées noires, corbeau ravageur de mon cœur ensanglanté. Pourtant, tu fais la lessive de la nuit dans  ma cervelle  aquatique. Ô femme, tu es la mer qui broie les voyageurs, la mère de mes chutes insondables, je t’aime comme un film d’horreur. 

Tu es aussi cette flaque d’étoiles, dansant librement sur mon ventre morbide. 

© Raynaldo Pierre Louis
 Septembre 2014

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Vibrant commentaire de Moh Ajebbari : '' Très beau texte et belle façon enrichie que de s’attacher au spectacle du monde grâce aux mots… Tu rassembles tes pensées, tu accordes à l’imagination  sa force pour insister et revenir  d’une nuit entre un banquet et une présence au monde étonnée . Tu t’interroges par dessus les épaules d’une Schéhérazade  qui s’obstine   « à faire  la lessive de la nuit dans ta cervelle aquatique » , pour écouter le monde dans son brouhaha et ses rumeurs confuses . Le bonheur des mots n’est-il pas aussi  dans  la fureur de cette femme qui « t’engendre mille fois dans les revers de ses jambes » ? Le bonheur des mots ne prend-t-il pas source là « où triomphent les écueils » qui aident à mieux saisir la richesse du réel , réel qui congédie l’ennui et laisse place à une extase quasi- mystique…Un face à face qui s’éprouve et se goûte. Falaises , pierres, pierres tombales, roches …n’est –ce pas notre fragilité d’homme mortel condamné à des tâches répétitives, lucidité d’un désespoir , flamme vaillante d’un absurde? L’absurde dont Camus  disait avec force : « Je tire ainsi de l’absurde trois conséquences qui sont ma révolte, ma liberté et ma passion ». Reconnaître l’absurde c’est au moins mieux situer notre vie. On a beau maquiller l’absurde, il revient  parce que  même nos trajets les plus sûrs , ils se font sur un sol qui tremble… « …Chutes insondables… », l’homme s’en moque , mais pas la folie et la beauté n’en rient jamais de cette  constante menace '' .

Moh Ajebbari  

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