mardi 9 septembre 2014

Critique de Jean Erian Samson sur « Sur les ailes de Pégase » de Raynaldo Pierre Louis

Réédition de Sur les ailes de Pégase

Ce sentiment que ressent l’auteur d’abandonner le quotidien revient surtout par ses vécus nostalgiques et ses incapacités de contourner les méfaits du monde réel et irréel liés sans doute à sa sensibilité et à sa bonne fois. Il ne choisit pas tout simplement de fuir mais de se fusionner à l’extase des mots sur les ailes de Pégase qui le propulse loin, très loin, « A bord de la solitude des fleurs » vers l’imaginaire débordant dont il est doté.

La poésie de Raynaldo est une création d’âmes autant que de mots sculptés aux doigts purs d’un jeune auteur, avant tout, soucieux du repos de son corps et de son esprit très bouleversés. Ainsi il est nomade en même tant prisonnier d’un avenir incertain qui enveloppe sa peur et sa solitude. Une peur de se laisser emporter trop loin et de tomber dans son propre piège. Il est prisonnier de ses instincts.

« Claquemuré dans mes propres murs
Je rêve le filtrage de la pluie d’or
Dans l’entrebâillement de la tour »

Il a pris les mots pour choses vivantes comme il sent le roulement de son sang dans ses veines, il les considère comme des outils pouvant crucifier l’avenir, le temps filant entre les secondes trop lentes. Par ses désaccords avec le monde extérieur et sa soif de vivre, où?, il souhaite s’évader aussi vite mais la paresse du temps le garde encore entre ses griffes.

« L’horloge
Toujours l’horloge
Avec ses pieds lourds

Ô l’horloge ensanglantée
A la marge de l’écriture »

« Ô mouchoir noyé
Dans les pleurs de l’horloge »

Son évasion n’est pas innocente; il s’évade justement pour fouiller les tréfonds de la nature, des rêves et des gestes de chaque être, il part bien armé pour conquérir d’autres empires qui fera peut être de lui l’unique victorieux face aux cauchemars de la réalité. C’est comme un éternel combat. Plus de temps à perdre et plus de larmes à jeter sur la peau de la douleur éternelle.

« Je pars à la belle lueur
(…)
Un clair de lune…
Et des grisailles sur les pans du ciel

Et le navire volant
Tanguait
Sur les hautes mers
Dans l’étourdissement des lames ondulantes

Je pars avec des vents et des chants d'outre-mer
Je pars avec le bleuté des eaux dans mes mains
Et l'Orient flottait sur les ondes et les quais
Comme pour festoyer l'arrivée du prince déchu
Dans la confusion des échos

L'horizon bascule
Ses rêves de lumière
Dans les dédales de mon corps déchiqueté »


Ses poèmes sont peinturés de prophéties, des paroles sacrées dessinant de toute part un avenir très prometteur, un souffle d’une autre vie qui repousse vivement les nuages gris nous obstruant les reflets des mers entre les étoiles et les cieux.

« Ma plume
Est un train en transit sur les nuages du délire »

« La parole morcelée
Porte les séquences éparses
Du dire
Dans le sens des luminaires
Et des chevaux de lumière

Cette parole est un taureau sacré

Véritable holocauste pour l’Invisible
Offrande pour l’imaginaire
Oblation pour les terres de légendes »

Enfin l’auteur conscient encore de sa belle aventure avec les mots nous invite une fois de plus à en faire connaissance, pour lui cette ballade sera pour nous une nouvelle conquête. Nous éloigner du réel serait pour nous une grande victoire, vu la définition même de la vie. Allez, entrez dans la danse et bonne lecture.

« Des passagers montent à bord du bateau des mots
Pour des voyages perdus dans les pays légendaires

C’est la mer des pêcheurs de sentiments

On se noie dans les mots
Comme on se noie dans l’océan »



                                                                                                    © Jean Erian Samson, Poète
                                                                                                            Port-au-Prince, 11 juillet 2013

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