Ma vie est crachat, éclaboussure, tourbillons de poussières mêlées d´azur.
Tout est possible sur les rivages de l´encre, par la voie/voix de l´imaginaire.
Je fais de cette parole une place publique, pour pisser au visage de l´homme.
Cette parole, oui cette parole, je la dédie à la chienne qui m´aboie. Ô
l´immensité d´un homme se perd, dans la toute petitesse d´une île... Moi je
transcris sur du papier-voyageur, tous les déchets, tous les fossiles, tous les
immondices en transit dans ma mémoire. Ô précieux tapis de mon âme, où
bourdonnent régiments de mouches… Ma mémoire est une savane boueuse, où les
chevaux marchent à grands pas. Je me roule dans la fange à rebours, et j´en
roule encore et encore…
Alors loin du commun des mortels, je
vis, gesticule…, dans le jeu strangulatoire des abstractions ludiques. Je vis
aux pays sombres, ombragés, peuplant de symboles et d´images folles.
Extravagance d´esprit. Absurdité de chair, en tournoiement, dans le sexe
tourmenté du poème. Je salis ce papier de mots, qui s´étouffent, qui
s´étranglent, mots furieux qui taquinent le vide, bouleversant l´immobilisme
des choses. Ô mes bavardages loufoques, innombrables palabres inutiles,
anodines sur la table d´un poète. Mais nuances… Impostures. Déguisements pour
déguiser la vie. La vie. Oui la vie : ce véritable spectacle de fous, où le
genre humain grouille à l´envers dans ses vermines qui puent. Et moi
timidement… je bouche mon nez, comme pour ne pas respirer la forte odeur de
l´homme, qui roule…, joyeusement, dans les latrines empestées du mal.
Tous les éléments de la nature, tous
les sentiments de l´homme sont conviés ici. Et gouffres, tonnerres, ressacs,
écueils, tournez, tournez, roulez donc sur ma poitrine. Ceci est donc ma
chambre, où les fenêtres s´ouvrent sur le cosmos. Il y a ici des souvenirs
macabres. Il y a là des voix qui se repèrent, qui tonnent, qui bercent…
Toujours nuance. Controverses. Antipodes à la marche du temps. Moi je vous
donne la paix, la haine, la guerre, l´amour..., enchevêtrés de rêves, de
passions ou de toutes folies. Mille pensées me traversent la mémoire. Mille et
mille guêpes me guettent d´un bout à l´autre. Mille blessures. Mille
cicatrices. Mille rêves. Mille illusions. Mille fantômes. Mille spectres en
caricature circulaire. Je me pose toujours mille questions, et j´ai toujours
mille réponses à chacune. Alors pour survivre, j´ai donc appris à vivre sans
patrie, vagabonder dans l´espace-temps. Ô patrie : je n´en ai nul besoin, je
bourlingue ça-et-là, ici et ailleurs. Alors je vogue dans la brise errante,
sans prétexte d´un quelconque repère. Je suis seul dans un continent de rêves,
je suis seul contre un continent. Je m´en irai dans les entrailles du désert,
là où les soleils ardents plombent les instants d´hiver. Je tonne, je gronde,
dans la marée de la mer en furie. Moi je suis marée montante, et marée
descendante à la fois. Je me gifle par moments, par instinct, par instants,
pour me réveiller de ma torpeur, de ma dormance au sein de cette foule
gluante...
© Raynaldo Pierre Louis,
vendredi 31 Janvier 2014
(Voyageur sans repère, CHANT INEDIT)
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Vibrant commentaire de Pradel Henriquez : '' Ce texte est
absolument beau. En le lisant, j´ai la forte sensation d'être en présence d'un
Lautréamont. Prière de ne pas le lire au milieu de la nuit. L'horreur risque de
vous habiter. Une nuit, je me souviens bien, le Marquis de Sade m'a foutu toute
la panique de mon existence de lecteur. Révolte et vœux de beauté sont au
rendez-vous. Pas de doute qu'avec ce poème terrible, obsédant, et où la liberté
de langage est totale, on a là, l'un des meilleurs textes poétiques de la
poésie haïtienne actuelle. Comme une existence nouvelle sans laquelle NON.
Comme on dit condition sine qua non. C'est dorénavant, le SINE QUA NON de la
poésie de mon temps, marqué d'ailleurs par le temps lui même et par la force de
vivre. Le désir de vaincre. Le choix d'être libre. Désormais, on peut se dire
que, "Tout est possible, sur les rivages de l'encre...". Chapo à
Raynaldo Pierre Louis, ce poète jacmélien, mon ami, qui fait signe de vie, où
dont la poésie clignote en permanence, et qui surtout, communique on ne peut plus,
ce signe vital à celles et ceux qui ont tout simplement le sens de l'autre ''.
Pradel Henriquez

Pradel Henriquez

J'apprécie beaucoup
RépondreSupprimerUn texte-torrent! Un verbe qui défile avec la souplesse de l’eau autour des embuches de la vie emportant dans son déferlement « ce véritable spectacle de fous, où le genre humain grouille à l´envers dans ses vermines qui puent ». Merci Raynaldo de nous faire don de ce magnifique moment où la parole s’ouvre sans fausse pudeur aux vibrations supérieures.
RépondreSupprimerun texte poignant... J'aime beaucoup
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