lundi 25 avril 2016

Le courage d'être soi

Dans le remarquable bouquin '' Le courage d'être soi '', ( Les Editions du Relié, 1999 ) Jacques Salomé nous propose une noble démarche existentielle tissée de perspectives et de repères valables, pour envisager avec le monde une existence harmonieuse à même de générer une authentique et perpétuelle quête de soi accompagnée pour ainsi dire d'une jubilation des sens au seuil même des méandres du labyrinthe social. A cet effet, le livre se mue en sédatif :


'' Toute démarche spirituelle fondée à la fois sur une aspiration à la transcendance et sur un besoin d'approfondissement nous accule au dénuement. (...) Tout processus de changement impliquera la nécessité de se dépolluer de la violence ou des violences reçues au cours de nos différentes expériences de vie, à la fois pour libérer des énergies mais aussi pour se réapproprier un pouvoir d'influence sur sa propre vie. Prendre soin des blessures ouvertes en nous déclenchera un processus de réconciliation, de réunification profonde. La recherche d'un mieux-être, le maintien d'un état de santé durable passent par un lâcher-prise sur les ressentiments, par une dépollution des sentiments négatifs qui nous habitent, par un nettoyage de la '' tuyauterie relationelle '' qui reste trop souvent encrassée par des situations inachevées et par la trace des violences reçues dans le passé. ''

''Le courage d'être soi '', voilà un bouquin qui en vaut la peine. Un ouvrage qui nous fournit des balises pour une formidable odyssée de la conscience, '' une chartre du mieux-être avec soi-même et avec autrui. Un pont entre la psychologie et la spiritualité. '' Cet ouvrage se présente comme une éventuelle planche de salut ou une médication essentielle pour tous ceux qui se cherchent constamment dans les paysages brumeux et poussiéreux de la pauvre existence humaine.

Nombre d'interrogations me viennent fréquemment à l'esprit . Qui d'entre nous est psychologiquement prêt à se hisser à bord du grand bateau ontologique, prêt à plonger et nager dans les ondes immenses et profondes de sa conscience, prêt donc à renoncer aux fausses valeurs du monde ? Oui qui parmi nous est vraiment prêt, prêt à jeter ses breloques par dessus bord et partir à tout prix en pleine mer à la conquête de soi-même ? Le monde brille comme un faux bijou, la vacuité identitaire bat son plein et l'on vogue dans une sociéte factice où l'humain gesticule comme un automate réflexif, voire comme un pantin véreux de pacotille, là où toute une horde de bêtes mécanisées croupissent honteusement dans les dédales sordides voire abjects du quotidien...

L'homme moderne a peur de lui-même, c'est-à-dire qu'il a peur de sa propre solitude, peur de l'affronter et de l'assumer jusqu'au bout. Il est ainsi donc victime de lui-même sans s'en rendre compte, trébuche dans le superflu sociétal et la platitude crasseuse dominante, traîne misérablement les lambeaux et les dernières bribes de sa vie en périphérie de soi. Par conséquent on peut conjecturer qu'il n'est donc jamais lui-même et peine même à apprivoiser ou découvrir son ombre, puisqu'il n'y chemine pas pour ainsi dire dans les sentiers et foyers lumineux de la Conscience. Or la solitude assumée est la Voie royale qui mène à toute conscientisation ou toute authentique Quête de Soi.

L'Homme est solitude, oui '' nous sommes solitude '', écrit Rilke... Et à force ostensiblement de patauger dans une mesquine et ridicule société banalement antipathique je perçois le fait d'assumer cette solitude comme un refuge , une planche de salut, et cet isolement sera protecteur s'il est ascétique. Comment sinon se préparer à rencontrer l'autre, quand l'autre le plus souvent n'est qu'une caricature de lui-même, une vaste profondeur inconnue qui s'ignore vraisemblablement et qu'on ne découvrira peut-être jamais.

Apologiste du vide, du vide constructeur et jubilatoire, je m'aventure tel un lucide funambule sur la corde raide de l' Esprit, avançant opiniâtrement vers le Soi dans le cosmos au-delà des contingences sociales. La première urgence consistera à se focaliser sur soi , son moi le plus sincère, sans nullement besoin d'envoyer l'autre au diable , quoique l'autre puisse entraver toute tentative d'une stable ataraxie. Se focaliser sur soi avec amour suppose de se percevoir comme une fenêtre sur le temps, loin de tout égocentrisme et narcissisme desséchants, mais avec une vigilance permanente vis-à-vis de soi et à l'égard d'autrui , vigilance qui est un premier réflexe de sagesse. Sur cette base s'édifiera peu à peu une individualité souveraine, radieuse et solaire , une démarche originale rationnellement hédoniste... Le courage d'être soi est foncièrement un exercice rigoureux...

© Raynaldo Pierre Louis,
Avril 2016