lundi 29 septembre 2014

Narcissique à ces heures perdues

Raynaldo Pierre Louis
Bah ! Le narcissisme est loin d’être subversif. C’est cette autre/haute capacité de s’exulter, de sublimer son être ou l’enjoliver dans le culte du moi. C’est mon véritable sacerdoce royal.  C’est ma propre main qui me caresse, qui me câline, qui me chatouille tendrement dans les vestibules de ma conscience. Autosuffisance. C’est un sport jouissif où l’on tâte ses globules blancs, ses globules rouges, ou ses cellules les plus diverses. C’est une thérapie lyrique, un massage si suave se faisant par soi-même. Ataraxie…ou enthousiasme parfait. Masturbation de mots à éveiller mon plaisir masculin, mon plaisir d'être moi-même. Un ruisseau. Un cours d’eau. Un torrent. Un fleuve tranquille débordant dans le corps. Une cascade intérieure irriguant les sens. Quelle volupté ! Je mange le venin de mon cerveau bruyant, libère l’harmonie psychique. L’euphorie des mots éclate mes veines. Le miel coule au cadran de l’horloge. « L’autre » est nul à ces heures perdues. Je me mire dans mon propre miroir intérieur. Un autre carrefour où se rencontrer, redécouvrir toute sa splendeur intérieure pétillant de mille soleils merveilleux quand tout devient si fade dans la gueule de l’homme. Le monde grouille bêtement, et je retourne sur moi-même comme le ressac marin. Ma joie ne vient pas du monde, c’est plutôt moi qui l’invente aux fournaises de mes pensées, au fin fond du labyrinthe de l’âme, dans les cheminées de la mémoire.  Le monde est une boule de sottise roulant sur mon crâne. Bulldozer meurtrier roulant sur le ventre.  Mais  je m’aime. Je vis.  Je me transporte aux confins de mon être. Je nage en moi dans mon immensité bleue-verte-rosâtre. Flottant en moi comme la barque en pleine mer.  Je m’invente un chaos mielleux, m’y perds dedans voluptueusement. Je suis beau, en moi-même, pour moi-même,  dans ma glace, et nul souci d’être beau dans le miroir de l’autre, quand on est déjà beau pour soi-même.

Et quand tu auras compris que « l’autre » ne pourra jamais combler tes besoins du cœur, ou tes besoins affectifs, tu apprendras toi-même à te donner de l’affection… 

Alors je m’aime, comme cette idole bariolée, tabou brisé de tous les vents du monde. 

© Raynaldo Pierre Louis,
 Narcissique à ses heures perdues

Saint-Domingue, 29 septembre 2014

jeudi 25 septembre 2014

Dualité de l’être mythique


Et par toi je suis entré dans le banquet du monde, aux  labyrinthes des gouffres putrides. Ô femme majestueusement belle ! Tu m’engendres mille fois dans les revers de tes jambes. Ô femme ! Pierre de jaspe, éclatante, pierre d’améthyste de mille couleurs disséminées sur l’horizon blêmi. Je t’aime comme ce couteau planté dans la tête de la nuit. Tête de Méduse tête de monstre. Ô criminelle de l’aube. Mangeuse d’abîmes de falaises, de pierres tombales et de pierres sanglantes. Noire sirène monstrueuse que j‘aime, tu m’entraînes là où triomphent les  innombrables écueils.  Chantez chantez chantez ! Chantez donc encore pour les matelots ! Mangeuse de pierres.  Mangeuse d’algues marines et de roches… Ô chantez ! Divinité du mal.  Tu bouffes les araignées noires, corbeau ravageur de mon cœur ensanglanté. Pourtant, tu fais la lessive de la nuit dans  ma cervelle  aquatique. Ô femme, tu es la mer qui broie les voyageurs, la mère de mes chutes insondables, je t’aime comme un film d’horreur. 

Tu es aussi cette flaque d’étoiles, dansant librement sur mon ventre morbide. 

© Raynaldo Pierre Louis
 Septembre 2014

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Vibrant commentaire de Moh Ajebbari : '' Très beau texte et belle façon enrichie que de s’attacher au spectacle du monde grâce aux mots… Tu rassembles tes pensées, tu accordes à l’imagination  sa force pour insister et revenir  d’une nuit entre un banquet et une présence au monde étonnée . Tu t’interroges par dessus les épaules d’une Schéhérazade  qui s’obstine   « à faire  la lessive de la nuit dans ta cervelle aquatique » , pour écouter le monde dans son brouhaha et ses rumeurs confuses . Le bonheur des mots n’est-il pas aussi  dans  la fureur de cette femme qui « t’engendre mille fois dans les revers de ses jambes » ? Le bonheur des mots ne prend-t-il pas source là « où triomphent les écueils » qui aident à mieux saisir la richesse du réel , réel qui congédie l’ennui et laisse place à une extase quasi- mystique…Un face à face qui s’éprouve et se goûte. Falaises , pierres, pierres tombales, roches …n’est –ce pas notre fragilité d’homme mortel condamné à des tâches répétitives, lucidité d’un désespoir , flamme vaillante d’un absurde? L’absurde dont Camus  disait avec force : « Je tire ainsi de l’absurde trois conséquences qui sont ma révolte, ma liberté et ma passion ». Reconnaître l’absurde c’est au moins mieux situer notre vie. On a beau maquiller l’absurde, il revient  parce que  même nos trajets les plus sûrs , ils se font sur un sol qui tremble… « …Chutes insondables… », l’homme s’en moque , mais pas la folie et la beauté n’en rient jamais de cette  constante menace '' .

Moh Ajebbari  

vendredi 19 septembre 2014

Raynaldo scuplteur des mots, de Moh Ajebbari

Moh Ajebbari
"Et si la poésie était ma dernière planche de salut, la dernière médecine des âmes malades ? J'aime l'illusion qui m'excite à vivre."

Les mots de Raynaldo Pierre Louis m’accueillent et me convient à m’émouvoir. Je franchis le seuil de la complicité et fais corps avec son imaginaire, accompli ou en train de se forger...l’aventure se narre. Et l’intimité, bien que bousculée par la diversité du style, de visions féeriques ou poignantes, de formats, me procure un certain plaisir.
Je continue mon chemin.
Chez Raynaldo la lumière est ostensiblement verticale.
Tout délire intégré, Raynaldo a un tempérament d’artisan. Il taille, cisèle, sculpte… Il aime façonner, pétrir, sentir ses mains entremêlant les lignes et les reliefs et border ses signes après avoir laissé la mémoire vagabonder à sa guise...

Raynaldo tend à l’unité au sein de la pluralité et appose ses rêves, sa douleur sur l’espace le plus approprié, selon les besoins de l’instant, passant d’une « tension créatrice » à l’éparpillement dans tous les sens, du ciselage des signes au corps à corps avec les mots.
Raynaldo aborde les formes taillées à même les contrastes, bien délimitées, véhiculant émotions et désirs de creuser davantage à même les craquelures du blanc qui orientent les sillages combinatoires et laissent le champ libre à l’errance du signe, à l’orée bien ciselée, telle une promesse défiant l’oubli.

© Moh Ajebbari

Franco -marocain
Septembre 2014

samedi 13 septembre 2014

Coup de cœur poétique de Patricia Hourra, en visitant ce blog

Patricia Hourra
Coup de cœur poétique! La poésie ! Un univers merveilleux que je prends plaisir à découvrir et à redécouvrir, toujours sans relâche et avec une passion allant crescendo! Comment pourrait- il en être autrement avec toutes ces sublimes plumes qui en jalonnent le théâtre? Hier, j'ai reçu inbox, une invitation à visiter le blog d'un poète. Courtoisie poétique quelque peu soutenue par une curiosité scientifique obligent, je m'y hasarde. Quel sanctuaire! Quelle aventure! Quelle incursion! J'en sors pendue! Si émerveillée que j'en reste comme flottant sur un petit nuage gisant entre ciel et terre! Raynaldo PIERRE LOUIS, poète Haïtien. Mon Dieu, quelle hargne!!! Il vous fait pénétrer dans un monde presqu’irréel, que dis- je dans une royauté où monarque jusqu'au bout de la plume, il vous impose son dictat, une dictature si bien menée que vous finissez par vous y habituer et pire, vous vous surprenez à l'adorer... loin de vous toute prétention de rébellion!

Ici, l'indicible est dit ; l'interdit est loi ; l'immonde est célébré ; le juste est rejeté, foulé aux pieds ; l'incroyable est instauré, le monde est renversé, secoué dans ses fondements les plus anciens....mais se faisant, ne restitue t-il pas le véritable ordre dissimulé par tant d'hypocrisie, maquillé par tant de produits de beauté (du bon marché au plus luxueux)? Ici, prenez garde à vous! Affranchi de toute contrainte, le poète vous conduira à en faire de même ; il vous y mènera en vous tenant par le bout de votre nez, si trapu puisse t-il être! ....Et vous risquerez de maudire Dieu et de rendre un culte à votre amant ; vous ne serez pas loin d'appeler votre père "maman" et de dire "papa " en désignant votre mère qui n'y verra que du feu ; vous briserez vos couverts en porcelaine si fine et vous mangerez vos repas à même le sol ; vous mettrez le feu à vos demeures et trouverez bercail dans les ruelles jonchées d'immondices.... oui , il vous spoliera du vieil homme et vous courrez le risque de ne plus jamais vous parer de " ses honorables apparats". La rencontre de la poésie, zut, la découverte de "la poésie" de Raynaldo Pierre Louis ne pourra produire sur vous que deux effets extrêmes: soit, vous en sortez fou amoureux de la poésie ou alors totalement blasé! La raison? Tout simplement parce que la poésie, il vous l'offre nue, d'une nudité absolue, à telle enseigne qu''impudique, vous ne pourriez que vous régaler de ses courbes indécentes qui vous sont si gracieusement offertes et à l’opposé, chastes, vous en détourneriez le regard, complètement offusqué en votre âme pudibonde! Mais comme vous y perdriez gros!

Les mots à priori pour lui n'ont pas de sens, c'est l'assemblage qu'il en fait qui les construit. Mais, extraordinairement, on n'y décèle aucune violence, juste un avertissement, un genre de conseil donné sous forme de sensibilisation dont le message pourrait être ceci : " Ne vous fiez pas trop à ce monde! Tout y est possible, tout y est en sursis!! " Si jeune ! (né en 1990) et déjà un langage si "vieux”, des mots à la barbe si blanche, mais fort heureusement, ayant encore toute leur chevelure!!! Il fait partie de ces voix qui font encore croire en Haïti après ce drame qu'on n'a nullement besoin de rappeler ...Sa vie à lui porte également le nom du drame ( perdre sa mère à 3 ans et ensuite perdre son père, le dernier symbole de sa vie familiale ) , un drame qui le condamnait à " la mort" , mais il en sort miraculeusement "ressuscité" avec toute la gloire qui accompagne la résurrection ! Bravo Raynaldo, bravo poète! Continue ton voyage entamé " Sur les ailes de Pégase" ton recueil publié aux Editions des vagues! Et bientôt, danserons-nous au rythme de la " Sveltesse de ma danse”, ton futur "bébé" !!!

© Patricia Hourra

11 Septembre 2014

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Poétesse, écrivain, juriste, Patricia Hourra travaille en qualité d'assistante du greffe au conseil constitutionnel de la République de Côte d'ivoire.

vendredi 12 septembre 2014

L’immortalité de Denise Bernhardt

« Les dieux eux-mêmes meurent/mais les plus beaux vers demeurent plus fort que les airains», dit Théophile de Viau. En effet, comment pourriez-vous croire, qu’une poésie peut-être mortelle ? Mais non bon sang ! Ce serait donc de l’amnésie, subversion folle, véritable abnégation, divagation sous le bas-ventre du temps ; la vie serait bien morte également. L’écriture, c’est donc de la pure matière éternelle, porteuse de vie, en mouvance sempiternelle au gré de l’espace-temps. Si Homère, Baudelaire, Rimbaud, ont pu immortaliser leurs noms de poètes, Denise Bernhardt en fait aussi partie intégrante, de ces poètes habitant l’immortelle mémoire de l’écriture, et par le souffle de son œuvre, elle a su donc appeler l’immortalité.

Mais jusqu’ici, on louvoie donc encore dans le rêve, on rêvasse toujours, et il fallait se tremper les pieds dans les fleuves du langage, se mouiller les pieds le corps l’âme, s’incorporer, dans la troublante réalité éblouissante de l’écrivain.


Alors ce matin-là, j’ai pu recevoir quatre florilèges de Denise Bernhardt, dont L’Ame Nue en fait partie. A la six-quatre-deux, je me suis glissé dans ce paysage de rêves…, ce territoire poétique si merveilleux. En fait, en lisant à peine ces textes, on sent déjà une certaine douceur de dire, l’on y voit bien la silhouette d’une main berceuse de femme nous parlant, nous susurrant si tendre, avec des gestes hyper affectifs. L’auteure n’a pas donc à justifier qu’elle est une femme, car elle l’est bien déjà dans ses mots les plus sensuels, ses maintes manières de dire, ses fresques, ses décors si féminins, si suaves, donc pas la peine de parcourir cent milles lieues, pour en décrypter, ou pour scruter son identité. Elle est bien femme, non par son aspect physique, mais par ses innombrables reflexes, ses myriades de façons de penser…, ses soliloques envoûtants, son état d’âme ou son subconscient :


« Je t’avais offert mes lèvres

En fermant les yeux
Pour que tu viennes en orfèvre
Me divertir un peu.

Mais je n’eus pas
Ta bouche douce
Comme un pétale
Sur ma bouche.

Alors je mis ma tête
Dans ton cou,
Et dans la rivière de mes cheveux,
Je te noyais de baisers ».

Et si la métaphore, se veut bien leitmotiv du dit, elle est alors ici exploitée à merveille, tissée dans la bonne toile. La poétesse a la voracité de cracher ses bouillonnements intérieurs, son bien-être, son mal-être, nous transcrit les plus douces paroles métaphoriques, toutes empreintes d’une féerie majestueuse, d’une tendreté particulière ; et le verbe en est bien souple, très ample, et assez tranchant quelquefois. Cette parole pèlerine, voyage entre sphères et ombres, entre amours et thébaïdes, « de crêtes en abîmes », « de sécheresses en plénitudes ». Dualités assez surprenantes, dispersées de part et d’autre dans le corps du texte. L’auteure en attente…, attend bien souvent un sédatif à son corps pleurant. Prestidigitatrice parfois, elle traverse son univers chimérique, elle sait « les aubes incertaines », « le temps blessé », « instants délicieux » et furtifs instants. Elle sait l’hiver, elle sait l’aurore… L’individu qui a tant marché, tant vécu, ne peut en mourir si facilement, l’expérience grossit ses sens.

Merci de m’avoir accompagné le long de ce beau pèlerinage, et croyez-en, l’œuvre de Denise Bernhardt ne mourra pas, elle en vivra. Je vous laisse donc enfin avec ce texte de l’auteure :

                                     
Il est des feux

Qui ne meurent pas
Et qu’un souffle suffit
A faire renaitre.

Il est des liens
Qui ne se brisent pas
Quelque soit l’épée
Et l’orient de la lame.

Il est des mots
Qui ne s’effacent pas,
Venus des antres
De chair et de sang.

Parce qu’ils sont
Nés de mon cœur embrasé,
Tissés de mes mains candides,
Gravés dans le cristal de l’âme.


© Raynaldo Pierre Louis
Poète-Ecrivain
République Dominicaine

Décembre 2013

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NOTICE :

Denise Bernhardt, née en France en 1942, à Cannes , elle passe son enfance au bord du lac d’Annecy, son père étant savoyard, en partage avec la Côte d’Azur. En 1961 elle devient enseignante, puis agent administratif . Elle écrit ses premiers poèmes dès l’école primaire mais ce n’est qu’en 1997 qu’elle commence à publier .
La plupart de ses douze recueils édités ont obtenu des prix. En particulier,
Le Prix Aragon de la Société des Poètes Français en 2000
pour Dialogue Ensoleillé, écrit avec René Eyrier,
Le Prix de la Fondation Blanchard pour LACRIME en 2002.le Couronnement de Mérite IL CONVIVIO à Rome en 2003 pour l’AME NUE
En 2006, publication de « La Vie en Marelle « avec Duccha, jeune poète d’ Haïti, et l’Amour du Monde en 2010 avec Duccha toujours : Duckens Charitable.
Prix pensieri in versi (Il Convivio )
En 2007 publication de « La Mangrove du Désir «
2eme Prix des Amourimes 2009 et Grand Prix des Erotides 2008
pour le recueil Le Temps des Sortilèges et les Braises Noires
décernés par POESIAS (Cercle Européen de Poésie Francophone.)

La Face Double du REVE publié en 2010 avec Yves Romel Toussaint.au Vert Galant Editeur.et en 2011 Tremblements de Cœur.
Le Temps des Sortilèges publié en 2013 – Edition des Vagues (HAITI)
L’auteur est membre de la Société des Gens de Lettres ,
Sociétaire de la Société des Poètes Français, Déléguée pour Haïti
Membre du Pen Club International et de nombreuses autres associations littéraires dont la Société des Poètes Créolophones en HAITI. Et du Comité de lecture des Editions Des Vagues.(HAITI) .Elle intervient dans de nombreuses revues et quotidiens, ainsi que sur des sites internet, en France et à l’étranger.

mercredi 10 septembre 2014

HAUTE TENSION, voyageur sans repère

Ma vie est crachat, éclaboussure, tourbillons de poussières mêlées d´azur. Tout est possible sur les rivages de l´encre, par la voie/voix de l´imaginaire. Je fais de cette parole une place publique, pour pisser au visage de l´homme. Cette parole, oui cette parole, je la dédie à la chienne qui m´aboie. Ô l´immensité d´un homme se perd, dans la toute petitesse d´une île... Moi je transcris sur du papier-voyageur, tous les déchets, tous les fossiles, tous les immondices en transit dans ma mémoire. Ô précieux tapis de mon âme, où bourdonnent régiments de mouches… Ma mémoire est une savane boueuse, où les chevaux marchent à grands pas. Je me roule dans la fange à rebours, et j´en roule encore et encore…
Alors loin du commun des mortels, je vis, gesticule…, dans le jeu strangulatoire des abstractions ludiques. Je vis aux pays sombres, ombragés, peuplant de symboles et d´images folles. Extravagance d´esprit. Absurdité de chair, en tournoiement, dans le sexe tourmenté du poème. Je salis ce papier de mots, qui s´étouffent, qui s´étranglent, mots furieux qui taquinent le vide, bouleversant l´immobilisme des choses. Ô mes bavardages loufoques, innombrables palabres inutiles, anodines sur la table d´un poète. Mais nuances… Impostures. Déguisements pour déguiser la vie. La vie. Oui la vie : ce véritable spectacle de fous, où le genre humain grouille à l´envers dans ses vermines qui puent. Et moi timidement… je bouche mon nez, comme pour ne pas respirer la forte odeur de l´homme, qui roule…, joyeusement, dans les latrines empestées du mal.
Tous les éléments de la nature, tous les sentiments de l´homme sont conviés ici. Et gouffres, tonnerres, ressacs, écueils, tournez, tournez, roulez donc sur ma poitrine. Ceci est donc ma chambre, où les fenêtres s´ouvrent sur le cosmos. Il y a ici des souvenirs macabres. Il y a là des voix qui se repèrent, qui tonnent, qui bercent… Toujours nuance. Controverses. Antipodes à la marche du temps. Moi je vous donne la paix, la haine, la guerre, l´amour..., enchevêtrés de rêves, de passions ou de toutes folies. Mille pensées me traversent la mémoire. Mille et mille guêpes me guettent d´un bout à l´autre. Mille blessures. Mille cicatrices. Mille rêves. Mille illusions. Mille fantômes. Mille spectres en caricature circulaire. Je me pose toujours mille questions, et j´ai toujours mille réponses à chacune. Alors pour survivre, j´ai donc appris à vivre sans patrie, vagabonder dans l´espace-temps. Ô patrie : je n´en ai nul besoin, je bourlingue ça-et-là, ici et ailleurs. Alors je vogue dans la brise errante, sans prétexte d´un quelconque repère. Je suis seul dans un continent de rêves, je suis seul contre un continent. Je m´en irai dans les entrailles du désert, là où les soleils ardents plombent les instants d´hiver. Je tonne, je gronde, dans la marée de la mer en furie. Moi je suis marée montante, et marée descendante à la fois. Je me gifle par moments, par instinct, par instants, pour me réveiller de ma torpeur, de ma dormance au sein de cette foule gluante...
© Raynaldo Pierre Louis, vendredi 31 Janvier 2014

(Voyageur sans repère, CHANT INEDIT)

 

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Vibrant commentaire de Pradel Henriquez : '' Ce texte est absolument beau. En le lisant, j´ai la forte sensation d'être en présence d'un Lautréamont. Prière de ne pas le lire au milieu de la nuit. L'horreur risque de vous habiter. Une nuit, je me souviens bien, le Marquis de Sade m'a foutu toute la panique de mon existence de lecteur. Révolte et vœux de beauté sont au rendez-vous. Pas de doute qu'avec ce poème terrible, obsédant, et où la liberté de langage est totale, on a là, l'un des meilleurs textes poétiques de la poésie haïtienne actuelle. Comme une existence nouvelle sans laquelle NON. Comme on dit condition sine qua non. C'est dorénavant, le SINE QUA NON de la poésie de mon temps, marqué d'ailleurs par le temps lui même et par la force de vivre. Le désir de vaincre. Le choix d'être libre. Désormais, on peut se dire que, "Tout est possible, sur les rivages de l'encre...". Chapo à Raynaldo Pierre Louis, ce poète jacmélien, mon ami, qui fait signe de vie, où dont la poésie clignote en permanence, et qui surtout, communique on ne peut plus, ce signe vital à celles et ceux qui ont tout simplement le sens de l'autre ''.

Pradel Henriquez 

L’insuffisance du langage…

Raynaldo Pierre Louis, Saint-Domingue. 2014.
Tu sais poète : pour corroder le métal de mon âme, j’ai eu recours à l’écriture. S’exacerber dans le bocage des mages, à outrance l’on se bouquine. Et la mémoire bourbeuse : réfléchit la lourde lumière, des astres-voyageurs… Illumination de vases. Supernova de sangs. Fioritures-fournitures. Ô novation ! Thématique exanthématique, où les mots se régalent de la jouissance en enfer. Conceptualiser l’écriture sans méthode, et pêle-mêle, je : jongleur brasse les mots, tels matériaux dérisoires… Ceci est un poème pour dire…, que le langage n’est jamais suffisant. Un poème cumulo-nimbus. Véritable cure-pipe de ma pipe de mots. Je suis monté, sur le ventre de l’humanité, pour quereller avec l’existence. Je m’ignore quelquefois, ignore les innombrables interrogations existentielles, et vis de manière plus vague, dans toute la lumière m’embrasant, dans le creux furtif des saisons…

Moi j’écris pour me saigner…, me blesser rudement…, pour que la plaie soit plus rouge, et la pierre plus austère ; que les branches de l’arbre soient planches, dans le festin de la nuit blanche. Je tapote la porte des désirs béants, azur-blessures cicatrisées. J’ai la géographie des papillons. J’ai la rouge iconographie des automnes. Et ceci est bien mon poème, tarabiscoté, travesti en visages multiples… Terrasser l’hiver dans sa marche absurde. Oui mon poème. Un poème mille pattes, déposant ses pieds partout dans le non-lieu. Mon poème ne finit pas. Nulle finitude. Et l’espace –temps en est trop petit, je vis hors-temps, hors d’espace, forger un milieu sans largeur ni longueur, pour me perdre et me pendre à contre-courant. Cette immensité est donc trop étroite. Oui je vis hors-temps, où les calculs d’heure n’existent guère. C’est une infinité de millénaires, collée au front de mon poème, mon poème, oui mon poème, pour dire l’insuffisance du langage. Ensiler l’été de l’encre. Gravitent les vapeurs…, en sens vertical du rêve.

Je navigue entre mers et villes, me libère et m’emprisonne.  Je coiffe l’exil, ô exode demi-consciente. Je rature ce siècle, de hiéroglyphes palpables..., les scribes reviennent à l’ère moderne. Clairon. Clairon. La lyre se promène dans les montagnes du cerveau. J’interpelle la démence, dans la spirale de l’opium. Ivresse. Toujours ivresse. Saoulerie d’un ivrogne acharné. Évoé !!! Oui, et la mémoire divague, de sphères en sphères. J’ai ma main plus vaste que moi, plus têtue que moi, perdue aux pays virtuels ; alors les abeilles rôdent, aux alentours de ma main. Errer. Vaguer. Voguer. Vautrer. L’on s’en fou désormais, la quête intérieure continue. Je suis un animal dans la nuit, un nuage qui passe, un météore éblouissant. Et mon poème s’évade avec moi-même, tel papillon de mai…

© Raynaldo Pierre Louis,
Lundi 25 novembre 2013,
Saint-Domingue, Villa Mella, Valle Hermoso

Le paradis des étonnants voyageurs

© Marie Guillemine Benoist

J´aime la géométrie de ton corps
et le crayon artistique qui l´a tracé

ton corps…

corps luisant
agrémenté de pierres qui luisent

ton corps…
c´est l´île des Hyperboréens
rêvée par les naufragés perdus

sur les brisants de mer
et moi
dans ma quête de bien-être
dans ma quête de folie et de luxure
j´y demeure
sempiternellement
comme seul temple

salutaire
depuis les pieds déposés sur la lune

ohé !!!
pour les œufs d´arc-en-ciel que tu m´apportes
aux portes écloses des désirs fous

ma vie tranchée en deux
je t´offre la plus belle tranche
comme pour avoir porté dans ton corps
l’immense pays de Cocagne des étonnants voyageurs


© Raynaldo PIERRE LOUIS

mardi 9 septembre 2014

Comentario de Jael Uribe sobre el poemario : « El viento exótico de ultramar » de Raynaldo Pierre Louis.

Raynaldo Pierre Louis, con el escritor dominicano Benito Manuel, que le ha invitado, para leer poemas de su poemario inédito : « El viento exótico de ultramar », en el Taller Literario Juan Sánchez Lamouth. Agosto 2014. Santo Domingo.











El viento exótico de ultramar es un viaje sin retorno a la poesía. Este libro nos ofrece el místico recorrido al universo de un poeta convertido en isla que expande sus fronteras, declarándose a sí mismo ciudadano del mundo en su manera surrealista de mostrarnos la vida. Una visión abierta que sorprende con alucinaciones tan complicadas y a la vez tan sencillas como el mar huracanado, en contraste con sus aguas calmas. En este libro nos encontramos con la voz de un poeta cuya « alma pedalea » entre la necesidad de matar al poema que, como un « virus maldito » impregna su sangre, la devora, la posee y la domina obligándole a decir sin tregua, desbocado. Por otra parte, nos encontramos con la intensa necesidad del escritor de hacerlo suyo sin tregua, de derramarlo en las páginas en oleadas marinas transparentes, absolutamente blancas y sin reservas. El poeta parece dejarse dominar a veces del poema, amando por momentos sus cadenas invisibles, para luego resurgir tomando a la poesía “por las riendas”. En esta milenaria guerra entre amo y sirviente desconocemos quien será el ganador, si la poesía imperante o el poeta contendiente.

Este libro huele a poesía por todas partes, a poema salido desde lo profundo, que no se oculta, ni vive al acecho. Un poema que abre su boca abismal para reclamar su espacio cargando en su vientre un dolor en redundancia, propio del poeta.

Raynaldo Pierre Louis  se muestra mucho, y se cree menos. Maneja su decir con la gracia y la certeza que garantizan un manejo maduro de la palabra, con poemas sin términos ostentosos ni rebuscados y sin embargo, pletórico de imágenes surrealistas, pulcras, poderosas y en muchas maneras, inesperadas. Al igual que el viento, su palabra es fresca, rebelde, precisa. ¿A qué tierras nos llevará este viento de ultramar? Este mapa lo podrá descifrar únicamente el lector navegante que se zambulla en su fuerza y habiéndolo leído con los ojos abiertos, logre salir airoso.

© Jael Uribe
Presidente Mujeres Poetas Internacional (MPI)

Mi alma pedalea


Mi alma pedalea
Pedalea
Pedalea
Mi alma pone sus pies
Hambrientos
Sobre los pedales de la embriaguez
Mi alma pedalea
Pedalea
Pedalea
Embriagándose…
Por las rutas de alquitrán dulce…
Mi alma pedalea
Pedalea
Pedalea
Ferviente ciclista 
Mi alma pedalea
Pedalea
Pedalea
Embriagándose
Por las rutas de la embriaguez infinita
Mi alma pedalea
Pedalea
Embriagándose
! Oh ! Mi alma
Tiene un olor de poesía 

© Raynaldo PIERRE LOUIS
Santo Domingo, 2013

Marckenson Jean-Baptiste ou « l’ange du bizarre »

« La poésie veut quelque chose d’énorme, de barbare et de sauvage », comme nous l’a si bien affirmé Denis Diderot : poète et grand philosophe des lumières, encyclopédiste de tous les âges. En effet, « Quand verra-t-on naître des poètes ? Ce sera après les temps de désastres et de grands malheurs, lorsque les peuples harassés commenceront à respirer. Alors les imaginations ébranlées par des spectacles terribles, peindront des choses inconnues à ceux qui n’en ont pas été les témoins. N’avons-nous pas éprouvé, dans quelques circonstances, une sorte de terreur qui nous est étrangère ?  Pourquoi n’a-t-elle rien produit ? N’avons-nous plus de génie ?  » Alors c’est à ce titre que je me suis servi de ces quelques lignes de Diderot pour entrer dans le recueil de Marckenson Jean-Baptiste, jeune auteur-étudiant haïtien, ingénieur industriel, qui a évolué en République Dominicaine. Je me suis servi à juste titre de ces quelques fragments du célèbre encyclopédiste si ce n’est la meilleure stratégie d’y parvenir, car le livre est écrit peu de temps après le séisme dévastateur qui ravageait Haïti le 12 janvier 2010. Le poète y était bien entendu  à l’heure exacte où passait le diabolique séisme, en vacance en Haïti, comme y étant bohémien exilé d’autre part, « poète sans chapeau d’île », comme il le précise si nettement dans la quatrième de couverture de son florilège. En parcourant ce territoire de 53 pages le lecteur y verra à coup sûr que le poète porte toujours son île en soi, aux confins ultimes de son être comme dans les profondeurs abyssales de son cerveau, ou dans le creuset le plus ardent de son subconscient. Non pas comme le reflet d’une auto-flagellation, ou le dessein de se confiner ou de se coincer dans les recoins d’une terre aussi exigüe, mais l’aubaine de ravauder, de raccommoder les vieux tissus usagés de la mémoire, tout comme Louis Aragon l’affirme toujours : « Le poète a toujours raison ».Et le poète en aura toujours raison.

Toutefois, il faut dire que j’ai eu la chance de rencontrer le poète lors de la fête du drapeau haïtien, soit le 18 mai 2014 à l’Université Autonome de Saint-Domingue (UASD), lieu tout a fait confortable où les haïtiens avaient décidé de célébrer leur bicolore (bleu et rouge), selon une initiative de Jean Ralph Placide, où l’ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine Fritz Cineas y était fort présent, comme pour prendre part à ce spectacle. Le poète y était invité pour un récital de textes, et ses livres aussi l’accompagnaient. Comme je n’avais pas un sou, le barde m’a donc fait don de son 2ème recueil de poèmes intitulé  « Sobresaturado », soit « Sursaturé » en français. Ah ! Qui l’aurait cru ? La générosité du poète est aussi infinie que la lumière du soleil. Et j’étais si riche ce jour là, sans un sou dans ma poche. Riche tout de même. Et j’admirais le livre de la première à la quatrième de couverture, tant l’illustration était surprenante. Bref. Après son premier recueil « Orgasme de ma voix », où l’auteur nous plongeait dans une mer d’érotisme assez émouvant et symbolique, cette fois-ci le voici dans nos murs avec « Sobresaturado». L’œuvre est écrite en espagnol. Mais pourquoi ? Serait-ce une façon de tourner le dos au créole, de bouder sa langue nationale, sa langue maternelle ? Serait-ce aussi une trahison de la langue française qui l’avait tant enrichi  depuis bien des lustres?  Loin de là. Seulement il revient donc à dire que toutes les langues appartiennent au poète, que le poète est laboureur de champs linguistiques, qu’il s’exprime dans la langue de son désir, la langue qu’il veut, comme il veut, qu’il est tout simplement libre au vrai sens du thème, la liberté mise en évidence.

« Sobresaturado » nous paraît de prime abord comme les cris d’un fauve qui se dévore lui-même-même, juste par passion du crime : « Qu’on me coupe la tête/Sans anesthésie »(P.21). Par ailleurs les titres sont aussi étranges que le personnage, on eut dit un Kafka métamorphosé en insecte monstrueux.  Des titres un peu bizarres comme « Mon crime, Démon, Paroles prisonnières, Amour en poussières, Soif éternelle, Esquisse de la chute ». Enfin un dernier titre qui me laisse tout pantois : « La face du diable » qui s’approche de plus en plus des sphères de la métaphysique : « Qui connait la face du diable/Personne ne sait s’il est homme/Ou femme/ Personne ne sait si le diable est diable pour toujours ou pour un instant». Et le poète se nomme lui-même « Fils des résidus », « fils du papier blessé », avec sans doute sa « Barque de papier/Chargée de rêves/Aussi pesants que le Titanic ». Le poète est « Malade d’une maladie/Qui n’existe pas ».
Un champ lexical de deuil s’avère partout omniprésent dans les textes que j’ai eu à lire, et on pourrait même voir les silhouettes du soleil noir de la mélancolie de Gérard De Nerval. C’est un univers contrasté d’images, où l’auteur n’hésite pas de nous montrer tous les envers du décor, comme une esthétique du chaos. Un recueil trompe-l’œil à première vue, écrit avec autant d’audaces et d’artifices. Florilège traversé par les thèmes de la folie, de l’amnésie, et de l’amour aussi pourquoi pas : « Je suis déjà sursaturé/Marchant ivre/Sur les nuages de l’amour », l’auteur s’aspire donc à une « nouvelle Quisqueya ». Une quête transcendantale de renaissance, tissée au fil des mots-sauvetage, mais qui se fait par une opération tout à fait spasmodique des mots de l’auteur. En conclusion, il faut aussi énoncer que le recueil est  d’autre part un réquisitoire contre le racisme rongeur. Donc tout compte fait, tout est donc à avouer ici : « le poète est l’ange du bizarre », et c’est avec une note de suspense qu’il tente de fermer son livre, tout comme l’aigle vieilli qui renouvelle ses plumages.

© Raynaldo Pierre Louis
Poète-Ecrivain,
République Dominicaine,
Août 2014

Critique de Jean Erian Samson sur « Sur les ailes de Pégase » de Raynaldo Pierre Louis

Réédition de Sur les ailes de Pégase

Ce sentiment que ressent l’auteur d’abandonner le quotidien revient surtout par ses vécus nostalgiques et ses incapacités de contourner les méfaits du monde réel et irréel liés sans doute à sa sensibilité et à sa bonne fois. Il ne choisit pas tout simplement de fuir mais de se fusionner à l’extase des mots sur les ailes de Pégase qui le propulse loin, très loin, « A bord de la solitude des fleurs » vers l’imaginaire débordant dont il est doté.

La poésie de Raynaldo est une création d’âmes autant que de mots sculptés aux doigts purs d’un jeune auteur, avant tout, soucieux du repos de son corps et de son esprit très bouleversés. Ainsi il est nomade en même tant prisonnier d’un avenir incertain qui enveloppe sa peur et sa solitude. Une peur de se laisser emporter trop loin et de tomber dans son propre piège. Il est prisonnier de ses instincts.

« Claquemuré dans mes propres murs
Je rêve le filtrage de la pluie d’or
Dans l’entrebâillement de la tour »

Il a pris les mots pour choses vivantes comme il sent le roulement de son sang dans ses veines, il les considère comme des outils pouvant crucifier l’avenir, le temps filant entre les secondes trop lentes. Par ses désaccords avec le monde extérieur et sa soif de vivre, où?, il souhaite s’évader aussi vite mais la paresse du temps le garde encore entre ses griffes.

« L’horloge
Toujours l’horloge
Avec ses pieds lourds

Ô l’horloge ensanglantée
A la marge de l’écriture »

« Ô mouchoir noyé
Dans les pleurs de l’horloge »

Son évasion n’est pas innocente; il s’évade justement pour fouiller les tréfonds de la nature, des rêves et des gestes de chaque être, il part bien armé pour conquérir d’autres empires qui fera peut être de lui l’unique victorieux face aux cauchemars de la réalité. C’est comme un éternel combat. Plus de temps à perdre et plus de larmes à jeter sur la peau de la douleur éternelle.

« Je pars à la belle lueur
(…)
Un clair de lune…
Et des grisailles sur les pans du ciel

Et le navire volant
Tanguait
Sur les hautes mers
Dans l’étourdissement des lames ondulantes

Je pars avec des vents et des chants d'outre-mer
Je pars avec le bleuté des eaux dans mes mains
Et l'Orient flottait sur les ondes et les quais
Comme pour festoyer l'arrivée du prince déchu
Dans la confusion des échos

L'horizon bascule
Ses rêves de lumière
Dans les dédales de mon corps déchiqueté »


Ses poèmes sont peinturés de prophéties, des paroles sacrées dessinant de toute part un avenir très prometteur, un souffle d’une autre vie qui repousse vivement les nuages gris nous obstruant les reflets des mers entre les étoiles et les cieux.

« Ma plume
Est un train en transit sur les nuages du délire »

« La parole morcelée
Porte les séquences éparses
Du dire
Dans le sens des luminaires
Et des chevaux de lumière

Cette parole est un taureau sacré

Véritable holocauste pour l’Invisible
Offrande pour l’imaginaire
Oblation pour les terres de légendes »

Enfin l’auteur conscient encore de sa belle aventure avec les mots nous invite une fois de plus à en faire connaissance, pour lui cette ballade sera pour nous une nouvelle conquête. Nous éloigner du réel serait pour nous une grande victoire, vu la définition même de la vie. Allez, entrez dans la danse et bonne lecture.

« Des passagers montent à bord du bateau des mots
Pour des voyages perdus dans les pays légendaires

C’est la mer des pêcheurs de sentiments

On se noie dans les mots
Comme on se noie dans l’océan »



                                                                                                    © Jean Erian Samson, Poète
                                                                                                            Port-au-Prince, 11 juillet 2013

De la télékinésie du verbe à « Kaléidoscope de couleurs fauves » de Raynaldo Pierre Louis, Critique d’Anderson Dovilas



« Je dédie le vent aux nuages
Aux colonnes de nuées qui transitent »

Est-il possible d’être un aventurier sans aventure, ou d’être poète sans risquer le devenir des mots. Et si la poésie exigeait de vivre par le choc de nos entendements à savoir poétiser désir et inquiétude ? Le philosophe anglais John Loke eut à dire que : « L’inquiétude qu’un homme ressent en lui-même pour l’absence d’une chose qui lui donnerait du plaisir si elle était présente, c’est ce qu’on nomme désir, qui est plus ou moins grand selon que cette inquiétude est plus ou moins ardente. » En ce sens, la pertinence inquiétude et désir deviennet évidents, par le sentiment de combler le vide, et la crainte de perdre quelque chose. D’où le sentiment d’appartenance et de possession est à valeur équitable à la chose elle-même ou à ce couple conceptuel présence-absence.
Kaléidoscope de couleurs fauves est un livre qui s’ouvre sur une esthétique pure, de questionnement simple et profond, de désir et d’inquiétude de perdre le contrôle de soi en se rapprochant du nihilisme.

« Toute note s’oublie dans la mémoire des sons
Les notes s’écrivent en caractère de braille
Ô les chants qui enchantent l’aurore
Quelle volaille va préluder le jour ? »

De l’originalité des images jusqu’à l’opacité du style, l’auteur dénote sa poésie dans un corpus hors des normes narratives comme un vol vers une transcendance littéraire quelconque. Et si nous prenons la poésie comme élan significatif des désirs. A cet effet nous aurons à opposer poétiser la chose que l’on possède à un sempiternel amour pour la possession, processus par qui l’on arrive à être possesseur.

« Je ramasse une main de nuages mourants
Dans les ciels de ma parole porteuse de mouches »

Asphyxiant le réel par cette parole poétique, ce surréalisme a modelé la télékinésie du verbe qui se déplace du ça vers le moi sans désir d’être volontaire ou involontaire mais tout simplement poétique. En effet, ce livre est un alliage d’une rafale de souffle et de sang, un champ magnétique de couleur fauve.

 © Anderson Dovilas
Linguiste-Ecrivain

Raynaldo poète de la semaine dans poètes a l’honneur, présentation par Sheikh Kane El Conquistador

La poésie, d’une époque à une autre, d’une école à une autre, a été peinte en une multitude de couleurs et a connu mille et une définitions. Chaque poète donne à la poésie ou tout simplement à sa « poésie » la fonction qu’il souhaite lui attribuer et qu’il pense qui épouse le mieux son combat, ses sentiments, ses colères, ses amours du moment ou d’autrefois...

Comme beaucoup de poètes, notre poète de la semaine, Raynaldo Pierre Louis, écrit avant tout pour le plaisir mais aussi et surtout pour se libérer du fardeau de la vie. L’écriture ou tout simplement le langage, malgré ses limites et ses insuffisances, permet au poète d’extérioriser son chagrin et de mettre une couche médicinale sur ses peines. 
Ainsi, dans « l’insuffisance du langage », le poète s’épanche en ces termes : «…pour corroder le métal de mon âme, j’ai eu recours à l’écriture ». Dans la même prose, avec élégance, il définit son rapport à la poésie en ces mots : « Moi j’écris pour me saigner…, me blesser rudement…, pour que la plaie soit plus rouge, et la pierre plus austère ; que les branches de l’arbre soient planches, dans le festin de la nuit blanche ». Comme le chirurgien, le poète a besoin de déchirer la plaie, d’y enfoncer son couteau et ses aiguilles afin qu’elle puisse se cicatriser après soins.

Quoiqu’il en soit, Raynaldo Pierre Louis, malgré son jeune âge, reste un personnage bien énigmatique, pétri de talents et amoureux de poésie. Nous espérons, à la lumière des réponses qu’il voudra bien donner à nos questions, connaître un peu plus le poète.
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, à vos claviers.

02 Avril 2014

La Boutique du Bourreau de mon rêve ou un éloge de l’altruisme

« Un livre n’est pas un cimetière, et s’il l’est toutefois, c’en est un où les morts pensent », nous dit notre grand écrivain haïtien, l’académicien Dany Lafferière. Il existe dès lors mille et une manières pour entrer dans un livre. Tandis que moi, dans ma quête perpétuelle de liberté, j’ai plutôt choisi d’y pénétrer de la manière la plus simple : à la manière de l’araignée sauteuse. Bref à ma guise. C’est-à-dire, sauter dans les pages du livre, comme pourrait bien le faire l’araignée. Et je saute évidemment… Je lis une page, je médite, avant de sauter dans l’autre. Et ce fut donc ainsi. Ainsi de suite… Comme pour refuser de lire un tel livre à cheval, ou de le galoper dans le sens le plus absurde, le plus banal des choses. Et il est des ouvrages qu’on respecte, méritant d’être lus à pas de chat, avec autant de vigilance qu’il faut. En effet, « La Boutique du bourreau de mon rêve », ce formidable roman de mon ami Getchens Mathurin, est de cette catégorie de livres. Et j’ai eu alors du plaisir à danser dans les pages de ce beau bouquin, paru en France aux Editions Jets d’Encre, en mai 2013.

Ce roman s’inscrit dans le cadre d’une notion pure de la vie, une vision tout à fait philanthropique du monde, malgré toute l’horreur de la planète.  Par conséquent, l’auteur y prône un altruisme pratique, et non un humanisme au concept desséchant, au sens théorique, ou au sens idéaliste du terme. L’auteur y  met en évidence les véritables vicissitudes de l’existence, propose donc quelque chose de concret.  Le souci de l’autre y trouve sa place, bat son plein, devient philosophie, la plus authentique philosophie humaine, le vrai moteur même qui fait tourner la vie, la fait bouger, croître, grandir, fleurir dans tous les sens, ou dans son sens le plus normal, le plus digne des valeurs humaines. Je ne peux m’en empêcher de magnifier cette subliminale démarche universelle, atteignant son paroxysme.

L’histoire se déroule en Haïti, dans le quartier des Nègres-Fragiles vraisemblablement à la fin du XX ème siècle. L’écrivain nous conte le récit de monsieur Philipe Mathieu : ce boutiquier hyper sensible, un homme illuminé par de la force positive qui tend la main aux nécessiteux du village, à tous ces enfants démunis et sans issues aucunes. Son grand père,  de qui il serait hérité en partie de ces gênes de générosité, parle ainsi  à ses enfants par ces termes providentiels : « Que cette boutique, après ma mort ne soit pas un instrument destiné à amasser des bénéfices injustes sur le dos de ces malheureux. Son objectif n’est pas et ne sera jamais de faire de vous ou de vos descendants des commerçants enrichis, des businessmen bien assis dans le fauteuil du capital, sous lequel survivent de malheureux paysans ». Et tout ça ce n’est pas tout, il en ajoute : « Elle n’est donc pas pour vous, mais pour votre prochain. Vous et vos descendants devrez préserver son existence contre vents et marées. D’ailleurs, vous feriez bien de vendre vos terres dans cet objectif ». Mais quoi de plus intéressant !?  L’âme de l’écrivain est dans son œuvre.

Malheureusement il y en aura toujours un salaud pour troubler l’ordre des choses, dans la dimension la plus sinistre. Et qui est donc Foster sinon que la représentation du mal, un  assassin qui est troublé par l’usage qu’il devrait faire de ses rêves comme l’aurait l’être un homme de bien. L’un et l’autre avec de différentes réactions. Il parle ainsi en ces propos, comme pour justifier les cafards de sa tête : « Oui, mais moi, je crois à mes rêves. Ils ne me mentent jamais. J’avais même vu en rêve l’accident qui allait ôter la vie à ma mère ! J’avais également vu en rêve deux grands pigeons frapper les tours jumelles du World Trade Center, bien avant le 11 septembre. Mes rêves sont prémonitoires. Ils m’annoncent des événements qui se produisent vraiment ensuite ». Ouf ! Et le pauvre con surnomme l’homme de cœur : « le bourreau de mon rêve ». Il y persiste encore, comme pour s’en vautrer dans sa démence la plus putride : « En tout cas, pour moi, ce visage détesté dès que je l’ai vu, qui est aussi celui du coupable qui me brutalisait dans mon rêve, est à présent ce que je hais le plus au monde, et l’homme qui a ce visage mourra. Je ne souhaite pas endurer dans la réalité le sort que j’ai connu dans mon sommeil. Aussi, pour cette raison, tuer ce monsieur est la décision la plus prudente que je puisse prendre ». Alors, avec ce roman on peut se poser la question de savoir ‘’quelle part de prémonition nos rêves nous apportent ?’’ Quelle part de réalité et quelle mise en garde? Et à sa façon, l’auteur nous répond de si belle manière.

En somme, ce qui m’intrigue le plus aussi dans ce roman, c’est cette scène merveilleuse, inattendue, cet exceptionnel dénouement qui n’est qu’une preuve d’une grande humanité et de grandeur d’âme. N’est-ce pas avant tout ces éternelles valeurs qui permettront à la planète de mieux respirer ? J’ose le croire.

En profitant de décrire un peu la réalité sociale de ce qu’un intellectuel haïtien appelait autrefois ‘’ Le pays en dehors’’, l’auteur transmet en même temps un message d’humanité et d’amour et donc universel. C’est un grand livre dans tous les sens. Il est écrit avec un tel éclat, une telle précision et concision, une telle profondeur d’esprit et une telle aisance particulière de la part de l’auteur. Je l’avoue donc publiquement avec toute ma probité intellectuelle. Je n’ai qu’à souhaiter donc bon vent à l’auteur, et à cet ouvrage qui n’en sortira jamais de ma mémoire, mon for intérieur le plus intime.

Et à vous chers lecteurs, je vous recommande plutôt de commander ce bouquin, sur le site des Editions Jets d’Encre. Pensez-y !

Désormais, le roman que j’aime est « La Boutique du bourreau de mon rêve », le grand roman de Getchens Mathurin.

© Raynaldo Pierre Louis,
Poète-Ecrivain,
République Dominicaine,
Vendredi 11 juillet 2014