mercredi 15 juillet 2015

Apologie de la poésie

Apollon avec sa lyre
Tout ce qui nous entoure est poésie, notre relation avec les autres c'est de la poésie..., comme pour parodier de toute évidence un célèbre énoncé de Jackie Chan. A dire vrai, tout ce qui constitue l'univers est de matière poétique.  La poésie est en ce sens voyage-mysticisme-onirisme-sensation et fragilité. Un tel acte s'effectue et se manifeste à travers soi-même et à travers le monde; pour soi-même et pour le monde; le monde donné ou le monde vécu que l'on appelle destin par convention humaine.

La poésie est voyage. Errance. Introspection. C'est l'autobiographie même d'une âme en transit, toute la psychologie d'une vie, d'un individu ou d'un peuple donné. Mais par-dessus tout, elle se veut être beauté et élégance. Disons donc, '' de l'esthétisme avant toutes choses '', comme pour contrebalancer  '' l'Art Poétique '' de Verlaine. En effet, si la poésie avait été bel et bien utilisée comme arme de combat ou de révolution dans les siècles précédents, elle ne saurait donc se passer de l'esthétisme ou de la beauté au vrai sens du terme, sinon elle ne serait guère poésie, mais autre chose, avec un tout autre nom tout a fait particulier. Ce n'est sans doute pas pour plaisanter ou spéculer qu'on dit que '' la poésie est le langage des anges ''. Elle l'est, par essence, et c'est cette quintessence même qui la caractérise.

Ce n'est point aussi par esprit de fanatisme qu'on stipule qu'elle est '' le plus noble des genres littéraires ''. Sa justesse langagière, sa forme, sa fluidité, son équilibre esthétique qui rivalise avec les anges, son costume luisant de mots qui sautent aux yeux en sont les preuves incontournables et péremptoires. Tous les genres littéraires doivent quelque chose à la poésie, ne serait ce qu’occasionnellement. La nouvelle, le roman, le conte, le théâtre, l'essai... ont tous volé quelque chose à la poésie. Et ce petit quelque chose, certains pourraient l'appeler '' la sublime élégance des mots '', qui dansent à longueur de pages dans les boulevards ensoleillés de beauté, ou sur le féérique buvard du poète. On a même l'impression et le pressentiment que tout ce qui est beau et élégant en général relève donc de la poésie. Une surprenante hypothèse, une certaine probabilité toute teintée de sureté, par mégarde apparemment. A cet effet Joubert (1754-1824) nous parle en ces termes supra majestueux et assez époustouflants : '' Qu'est-ce donc que la poésie ? Je n'en sais rien en ce moment; mais je soutiens qu'il se trouve, dans tous les mots employés par le vrai poète, pour les yeux un certain phosphore, pour le gout un certain nectar, pour l'attention une ambroisie qui n'est point dans les autres mots ''.  Il s'en va disant plus loin : '' Les mots du poète conservent du sens même lorsqu'ils sont détachés des autres, et plaisent isolés comme de beaux sons. On dirait des paroles lumineuses, de l'or, des perles, des diamants et des fleurs ''. Joubert est, tout comme moi, un simple panégyriste et un fervent apologiste de la poésie.

Par ailleurs, les questions les plus pertinentes que l'on devrait se poser, seraient les suivantes de toute évidence : Pourquoi la poésie est-elle si mal vue aujourd'hui à bien des égards ? Pourquoi est-elle autant marginalisée ? Et pourquoi veut-on l'attribuer à tout prix à un simple jeu fantaisiste ? Et enfin pourquoi les gens préfèrent-ils les romans ? La réponse est bien simple, et très brève en effet. Certaines personnes s'attardent à trouver, soi-disant une leçon de morale en lisant un texte poétique, soit un conseil salutaire tenant à les fortifier. De toute façon une poésie peut-être une fable mais ce n’est pas une règle absolue. Même Montesquieu s'en prenait aux poètes, et Socrate lui-même notre vieux philosophe grec, eut à dire que : '' Les poètes ne comprennent pas ce qu'ils disent ''. Donc on les attribue au rêve, à la rêvasserie débordante, à l'inutilité et à la nullité même on peut dire. Ne dit-on pas que  '' les poètes vivent dans les nuages '' ?

Néanmoins on peut vivre sans poésie certes, tout comme on peut vivre sans philosophie, ce qui ne veut pourtant pas dire que ces dernières soient inutiles. Notre fameux Charles Baudelaire, disons notre prestigieux poète maudit nous avait bien mis en garde à ce sujet. Il nous a appris que : '' La poésie est ce qu'il y a de plus réel, c'est ce qui n'est complètement vrai que dans un autre monde. (...) Une foule de gens se figurent que le but de la poésie est un enseignement quelconque, qu'elle doit tantôt fortifier la conscience, tantôt perfectionner les mœurs, tantôt enfin démontrer quoi que ce soit utile... La poésie, pour peu qu'on veuille descendre en soi-même, interroger son âme, rappeler ses souvenirs d'enthousiasme, n'a pas d'autre but qu'elle même; elle ne peut pas en avoir d'autre. (...) La poésie ne peut pas, sous peine de mort ou de défaillance, s'assimiler à la science ou à la morale; elle n'a pas la Vérité pour objet, elle n'a qu'elle-même ''. 

Voilà donc la véritable mission que s'était assignée Baudelaire à propos de la poésie. La parole poétique vient de l'intuition artistique, surgit de l'urgence de dire dans l'urgence du temps. Elle révèle le besoin de dire dans l'immédiat, de dévoiler ses états d'esprit, vomir son âme, ses joies fugaces ou constantes. Mais '' la tranquillité de l'esprit ne conduit pas à la création artistique '', et, '' il faut accepter de souffrir pour créer la moindre chanson ''. Comment peut-on prétendre écrire sans la moindre égratignure du cerveau ? Sans avoir appréhendé une seconde le fond de la douleur ? Ni palper l'ossature de l'abime ? Le monde même est chaos, et l'écriture surgit de ce chaos.  Nombre de poètes et d'écrivains ont bien illustré cette atroce comédie humaine. Baudelaire, Edgar Allan Poe en sont des exemples vivants, en passant par Rimbaud, Lautréamont, Homère, Frankétienne, Davertige, etc.. Le drame de l'écrivain est omniprésent, et ce n'est pas sans raison que Pessoa notre poète portuguais nous dit : '' La littérature est la preuve que la vie ne suffit pas ''.

Nonobstant, la tragédie humaine, la poésie est catapulte de fulgurances magnétiques, catalyseur de mouvements novateurs, propulseur d'énergie motrice, créatrice d'étincelles nouvelles et de splendides novas, dessinatrice de rayons nouveaux nés dans un ciel nébuleux. Par la voie de la poésie le poète refait, réhabilite, réinvente et recrée le monde, sinon son monde, retrace sa route et gravite dans l'éther par le biais de la beauté, puisque poésie, par essence, est beauté, et la beauté peut, à son tour de toute évidence, chasser les scories, la rouille et la laideur de l'âme, il ne reste donc qu'à y croire.

Mais attention... C'est selon...Chaque poète attribue une fonction à sa poésie. Rappelons ou précisons qu'il existe deux catégories de poètes en ce bas-monde. Tout dépend en premier lieu de leur psychologie individuelle ou de leur vision personnelle du monde donné. Une première catégorie en quête de transcendance à tout bout de champ, et une autre prenant refuge dans l'autoflagellation. Néanmoins, leur point commun, demeure '' la sublimité du langage '' qu'elles pétrissent et sculptent ensemble dans le même pot ou le même vase de diamant, étant toujours accessible.  Pourtant, quoi qu'on dise, on écrit jamais pour rien, la poésie n'a jamais été un acte inutile, l'acte d'écrire recèle en lui-même toute une panoplie de vitalités. Et c'est peut-être la raison pour laquelle Pierre Seghers nous dit que : '' D'où qu'il vienne, et même les plus réservés, le poème est un cri d'amour : il appelle à une mystérieuse communion, il cherche involontairement une autre voix, une autre moitié qui est vous-même. Si la poésie ne vous aide pas à vivre, faites autre chose. Je la trouve essentielle à l'homme autant que les battements de son cœur ''.

Les poètes nous ravivent et nous rallument de leur petit feu intérieur, pétillant intensément. La poésie c'est une gerbe de fleurs. C'est une femme dénudée étalant ses seins à tous venants. Elle rassérène, bouleverse, embellit, agrémente et enjolive les furtifs instants de la pauvre existence humaine.  Que vive la lyre des poètes porteuse de lumière et de toute l'harmonie des cieux, bien que le monde tourne le dos à la beauté de l'âme pour s'empiffrer en retour de biens matériels et de toutes autres futilités de bas étage... L'individu sans beauté intérieure n'est rien qu'une masse de chair absurde, une misérable enveloppe hideuse, collée sur des os méprisables !

© Raynaldo PIERRE LOUIS,
Saint-Domingue,
Dimanche 26 avril 2015,
6 h : 21 am

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