jeudi 10 septembre 2015

Jean Jacques Pierre-Paul…, ou le poète aux vastes espoirs…

Tenter d’élaborer une critique sur un recueil de poèmes s’avère être déjà une scabreuse aventure…, aigre-douce, par-delà bien entendu les falaises obscures de la poésie. En effet, comment entrer dans le champ/chant d’un poème ? Par quel pied ? Sur quel pied ? Par quel œil pénétrer le couloir ?  Par quel artifice se glisser pour ainsi dire dans le tunnel du poème quand la seule vérité poétique qui existe se veut être plutôt subjective ? Et, en plus, comment lire un texte poétique sans microscope parmi ces mille et une images qui dansent formidablement, qui s’amalgament admirablement, antithétiquement sur la pâle vitre de l’œil ?

« un poète qui pleure
est une rivière qui pleure »

« je ne veux pas vivre
je ne veux pas mourir »

« à corps perdu je dévore  tous les matins
une page de ma vie
éteins-moi ce soleil qui danse dans ma tête
je veux être seul dans les parois de mon rêve »

« fou n’est pas celui qui vit sa folie

fou est celui qui ne défend pas sa folie »

« désert je suis et mon errance s’appelle poésie »

De toute façon, on doit y entrer, y pénétrer, puisque…, il faut quelqu’un. Soit un habile voyageur, un ingénieux ou un authentique explorateur, ou, du moins, un espiègle visiteur…, cherchant à tout voler, tout cambrioler sans rien laisser dans la maison du poète. Ainsi, je me découvre voyageur, explorateur-visiteur perdu aussi loin dans les ondes de la poésie de Jean Jacques Pierre-Paul. Oui. Perdu… Perdu…  Et, par conséquent, je peux bien me vanter d’y être entré, et j’y ai volé ses joyaux, ses images, ses délires et ses rêves d’espoir…

Il n’a jamais cessé de croire au pays rêvé. Il n’a pas peur de le dire au monde.
«  tout est raison de vivre »

«  un pays est un rêve qui ne meurt jamais »

« je sais que mon pays n’est pas mon destin
je suis le destin de mon pays » 

Alors, je me demande, me questionne, m’espionne par-delà ce pan de ciel fragile où je vogue…, et, probablement, sans parachute aucun. Et… Je beugle. Je m’essouffle. Divague… Palabre… De quoi est faite, je dis, la poésie de ce « poète timide et vagabond » ? Et… Euh… Ne l’ai-je donc pas déjà esquissée ou annoncée quelque part ? Juste ci-dessus ? Mais quelle démence ! Quel délire délirant de ma part ! Bof !!! Si je l’ai déjà énoncée : « J’y ai volé ses délires et ses rêves d’espoir…». Mais.., par contre, erreur, erreur, car Jean Jacques Pierre-Paul n’est pas de ces poètes que deux ou trois mots peuvent résumer aussi facilement. Il faudra de toute évidence un peu plus d’effort, pour pouvoir saisir ou appréhender le fond de sa toile.

«  la poésie serait avant tout l’art d’écouter
l’art d’errer  vers l’autre »

À lire ses recueils « Delirium », « Fleurs d’existence » et « Rêvitude ou la gestuelle du midi des hommes », publiés au Chili aux Editions « Marche Infinie » et « Ambos editores », on se rendra bien compte que les thèmes du voyage, de l’exil, de l’errance constituent donc les thématiques fondamentales, propres à l’auteur :

« je ne t’invite pas à interroger
les dernières folies de l’homme
(…)
je ne t’invite pas à célébrer l’errance
je veux tout simplement t’exhorter
à aimer les paradoxes du voyage »

« mon voyage au bout de moi-même
au bout de rien
où nos ombres se croisent »

D’autre part, on y décèle aussi les thèmes de la ville, de la terre natale, de l’amour, du silence, de la thébaïde ou de la solitude existentielle :

« je te dirai que dans ma rage
dans ma douce rage il y a un pays qui saigne

et je chante le bleu et rouge
comme les nymphes deflorées de ma terre »

« j’ai longtemps habité ma solitude
je n’ai pas peur de ma fragilité »

« je n’ai que caresses et monologues
pour bécoter les grands cris du silence

tous les murmures brisés de la ville
disent mes intempéries »

La solitude, celle dont on a besoin  pour nourrir l’âme, est aussi un thème qu’il ne passe pas inaperçu dans ses livres.

« ô solitude
viens naître dans mon cœur
inspire-moi des jardins… »

« chaque errant porte le nom de sa folie »

Et comme tous les poètes du monde il doute, mais ne cesse jamais de marcher,  de « se chercher parmi les hommes »

« fleur d’infini, fleur de minuit
je ne sais pas encore qui je suis
mes pas disparaissent
dans les bruits du monde
chez moi tout est périssable
sauf l’envie de vivre »

« moi j’habite aussi la frontière
où  l’homme change ou meurt

tous mes chemins passent
par le centre absolu de l’abîme » 

En somme, la thématique du « pain » y est aussi omniprésente. Le souci du devenir de l’humanité, du destin de l’homme, mais le poète demeure par-dessus tout un véritable chantre de l’espoir.  J’aime particulièrement chez lui sa profonde vision du monde et de la poésie qui m’enchantent démesurément. La poétique de Jean Jacques Pierre-Paul oscille entre symbolisme et réalisme, entre introspection et rétrospection. Un retour au passé, à l’enfance, aux souvenirs brûlés de la mémoire. Poète « nomade enraciné dans sa terre » comme l’aurait dit René Depestre. Poète-prophète-philosophe, tout comme Victor Hugo, c’est-à-dire celui qui montre la voie aux autres, aux plus faibles… Son œuvre n’est rien que l’illustration d’un homme qui a vécu et vaincu la mésaventure humaine dans ses « paradoxes » et ses exultations les plus ostentatoires. C’est aussi un hymne ou une ode à la folie, sa folie, tourbillonnant autour du rêve, souvent mélancolique, inachevé…

« peu importe
le nom qu’on me donne
chacun vit et parle selon ses folies » ( Delirium )

« cataclysmes moléculaires à portée de ma voix
équinoxes des jours absents en papier filigrané
écrire jusqu’à la dernière goutte de mot
écrire jusqu’à la fin de la prophétie
écrire jusqu’à la transfiguration

c’est-à-dire exorciser la vie

et la parole qui confirme l’éternité du rêve deviendra poésie

ô mon rêve invente-moi ».

( Rêvitude ou la gestuelle du midi des hommes )


Laissons le poète conclure avec cette apologie de la folie, du délire existentiel :

« il n’y a rien plus dangereux qu’un homme
sans parole, sans espoir, sans délire »

« tout ce qui n’est pas fou a tort d’être »

© Raynaldo Pierre Louis,
Poète-écrivain,
Saint-Domingue, juillet 2015


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