mercredi 10 décembre 2014

Critique de Denise Bernhardt sur '' Kaléidoscope de couleurs fauves '' de Raynaldo Pierre Louis

Denise Bernhardt
Dans ce nouveau recueil, Raynaldo Pierre Louis nous offre un cadeau précieux : un kaléidoscope, de couleurs fauves, sans doute par allusion au mouvement pictural français né au début du 20ème siècle.

Dans ses jeux de miroirs fragmentés, RPL décompose et recompose l’arc-en-ciel de ses émotions, de ses dégoûts comme de ses émerveillements en passant par les vertiges toujours recommencés de ses rêves.
C’est un poète rimbaldien, il ne saurait s’en défendre même si « le Bateau ivre » devient galiote, et si le fleuve se fond dans l’infini des océans. Le kaléidoscope se prête à des jeux intellectuels allant de la matière immuable à la multiplicité de ses manifestations, le tout par les métamorphoses initiées d’un léger mouvement de la main.
Ainsi RPL déroule ses états d’âme à travers les stimulations de la nature, le poids insupportable du réel, et les circonvolutions de ses spasmes intérieurs, il y met ses tripes et ses rêves,  toutes les larmes des jours.
Le ton est donné d’emblée par cette citation de Pierre Reverdy :
« Le rêve du poète c’est l’immense filet aux mailles innombrables qui drague sans espoir les eaux profondes à la recherche d’un problématique trésor. »

Pour exorciser son mal -être RPL fait appel à des symboles magiques comme celui de « l’oiseau migrateur »  image d’évasion et de délivrance. Il s’en remet aux pierres précieuses dont nous connaissons les pouvoirs : « ces pierres mythiques qui lapident la nuit » car les pierres ont toujours eu un effet bénéfique sur ceux qui les portent.
Oiseau magique, pierres mystiques, le poète s’entoure aussi de beauté et de lumière, la nature le bercera de fleurs :

«  J’apporte ici
Mes lampes jaunes
Et que les eaux s’allument
Dans mes lumières soûles »

La lampe, le Génie de la lampe qui exauce les vœux, apaiseront-ils les tourments du poète ?
Il faut absolument :

« que l’oiseau chante
Pour la romance des fleurs »

Cependant  le serpent est là, le mal fait partie de l’existence.
« alors le poison du serpent circule dans le ventre de la nuit ». Commencent  pour le poète mille métamorphoses : beauté de l’île intérieure où vivent les fleurs, la douceur, les heures bienheureuses qui effacent les griffures des nuits.
Dans ce monde onirique se glissent des évocations mystiques plus précises :

«  les pierres d’améthystes /des chevaux blancs »
Tels ceux décrits dans l’Apocalypse de Jean . Dans chaque être humain sommeille un rêve de lumière, qui vaincra à jamais les ténèbres. L’auteur oscille entre rêve profane et voyage astral :

« j’oublie mon corps quelque part
Et je pars…..
Et je baise les lueurs astrales »

Mais quelle apparition est plus féerique que celle de l’ange de l’Apocalypse quand le doute submerge l’âme et que la mort fait le guet :
«  je porte en moi
La sensation des fleurs suicidées » 

A cet instant du recueil, et avec le poème :
«  Les fleuves porteront mon visage »
S’élève une voix rimbaldienne  qui évoque :

« les fleuves m’ont laissé descendre où je voulais »
 d’Arthur Rimbaud .
Raynaldo Pierre Louis décline également le poème de la mer tout ruisselant d’étoiles et de «  vagues aléatoires ». Son élément est l’eau de l’inconscient sublimée par la réverbération de l’azur.
Il se fait batelier « entre deux ciels »  entre une voile blanche et l’autre noire . Comment mieux exprimer la dualité de l’être.

Quel est le fil d’Ariane qui relie les délires du poète ?
Voyance inévitable fixée dans les legs de la mythologie :
« mes cent yeux semés sur la queue du paon »   
Qui nous font penser aux cent yeux du  berger Argos.

Voyance et ivresse, car RPl  voyage dans la fascination des « poètes maudits »  du 19ème siècle français. Ce n’est pas l’absinthe, la fée verte, qui le transporte dans les mondes cachés, mais Bacchus qui préside à ses ivresses
«  derrière la porte de l’aurore ».
 
L’auteur possède également le sens des métaphores magiques et percutantes :
«  pourquoi cette danse manigancée des abeilles
Dans les reins mouvants des étoiles ». 

Abeilles qui sont autant de signes d’or tourbillonnant dans le cœur tourmenté du poète qui ne rêve que d’évasions. Fuir son île, ses vomissures, ses contorsions, ses provocations  ne pas devenir fou,  des navires l’attendent pour cingler vers des terres inconnues. Le poète insulaire s’embarque vers les îles chantées par Homère, pour trouver au pied des mausolées blancs, l’intense baiser bleu des mers.

Baiser qui guérit d’inguérissables blessures… ô se laisser glisser au fil des eaux pour étouffer les cris de la souffrance, et les hurlements fauves d’anciennes déchirures :

« Moi
Je rature mon adresse
Je brûle mon prénom
Mon nom
Mon passeport
Et sans identité
Sans corps
Sans visage
Je voyage dans l’imaginaire des pages ».  

La nuit tombe, la lampe jaune s’éteint, plus rien pour indiquer le chemin du pur amour. Sentiment qui n’est pas le propos de ce recueil mais il brode en filigranes, son manque, sa recherche, tout ce qui est essentiel à l’humain.

Dans un avenir proche, je vois les étudiants à peine plus jeunes que l’auteur, se pencher sur ses textes, et les critiques littéraires user leurs plumes à tenter de les décrypter.

Honneur et Respect,
Raynaldo Pierre Louis  
    
                                                                                                                           © Denise Bernardt
                                           Le 10 Décembre 2014 

jeudi 4 décembre 2014

Critique de Moh Ajebbari sur le livre '' Kaléidoscope de couleurs fauves '' de Raynaldo Pierre Louis

Moh Ajebbari, franco-marocain
La poésie de Raynaldo Pierre Louis  m’interpelle, m’accueille et me convie à m’émouvoir…

Elle a frappé à ma vitre… et voilà ses mots telle une écriture chargée de trop d'hiéroglyphes qui  se bousculent métaphoriquement dans ma chair , comme un cri qui révèle les morceaux oubliés d’une vie. Ils dévoilent leur  extravagante et troublante nudité … l’espace  agencé de son imaginaire  est une vérité savamment et fertilement  éclatée…

A lire  son  recueil « Kaléidoscope  de couleurs fauves » , quelque chose d’inouï me convoque et s’impose à moi , même  pas besoin de clés pour effleurer l’approche interprétative de l’un des sens dormants ou subtilement cachés dans ses mots…
Avant d’embarquer pour vivre avec lui son inspiration ,  et les péripéties d’une existence semée d’embûches, on va  se diriger  vers la lumière incluse dans la peau de ses  mots :
« J’apporte ici
 Mes lampes jaunes
Sur les étangs
Les torrents
Et que les eaux s’allument
Dans mes lumières soûles »

Tout cela se donne  vivant dans une vision féerique et poignante, la lumière est ostensiblement verticale, sans clôture , totale et totalisante , les champs d’investigation éclatent à bout portant. S’interrogeant , il interroge les lumières, l’eau l’immensité de  la mer  « sur sa silhouette peureuse, comme l’astronaute fou qui quête  du vent sur la lune »   comme pour éviter une quelconque dislocation  ou un mutisme mortel.

C’est l’épopée d’une errance , d’un mouvement en partance  toujours en partance et  comment ne pas ressentir l’inouï  d’une parole  à la fois destinée aux lecteurs  et à soi-même ? En voguant à travers le sillage des mots de Raynaldo Pierre Louis   , comment ne pas succomber  au charme du panorama qu’il nous livre, un panorama  qui ne s’épuise pas  dans « les miroirs  , miroirs absurdes, tournant leurs faces vers les nébuleuses… » qui ne s’épuise pas non plus  dans  ce qui nous entoure  et dans l’éblouissement de l’évidence …

Je me sens traversé par une voracité pressante de démêler ces lignes, ces contours, boire  ces images  infiniment  colorées et «  baigner moi  aussi  mon front de lumière », élever le corps à la hauteur de l’innommable .
Il y a de quoi rester dans la fixité du temps .
Merci Raynaldo Pierre Louis .

                                                                                                                        ©  Moh Ajebbari,
                                                                                                                           Pau, France, 

                                                                                                  Jeudi 4 decembre 2014

lundi 1 décembre 2014

« Epopée de la nuit première heure », de John Nash F. Agera, par Raynaldo Pierre Louis

« Epopée de la nuit première heure » est le livre qui passe le chiffon sur les anciens corps. Il prône évidemment la souveraineté individuelle de l'homme et annonce cette étonnante révolution rimbaldienne, celle dont Rimbaud  rêvait toujours. Mais l'auteur (John Nash F. Agera) nous dit que « les humains manquent de construction intellectuelle »,  que le monde est vieux de concepts archaïques et il semble que l'Humanité n'est pas encore  prête pour de telle révolution. Il fait donc alors l'éloge d'une Saison en enfer, du Mythe de Sisyphe, de l'Homme Révolté,  de Freud, et j'en passe...Une invitation à fustiger la morale institutionnelle, cette « morale d’esclaves » comme pourrait l’appeler Nietzsche, la substituer de toute évidence à « la morale des maîtres ». Un réquisitoire contre les vendeurs d’arrière-monde. Une gifle à l’Humanité. En effet l’astre/l’axe de l’univers ne tourne qu’au présent dans cette sombre atmosphère aussi rude et sidérante. Par conséquent l´instant présent y est célébré et mis en exergue comme unique facteur de bien-être ou de bonheur. L’idéal ascétique est annihilé et l’homme y est invité à vivre pleinement ses passions et ses désirs dans l’éphémérité des choses. Des mots qui me brassent les biles, m’emmerdent au plus haut point. Un monde grouillant d’énergie, tourbillon volcanique de mots/maux chaudés bondés de philosophie à longueur de pages. Un livre qui émane du fin fond de la thébaïde existentielle et qui peut choquer bien entendu par sa toute puissante tonalité ahurissante, et, l’auteur, est affranchi de toutes contraintes civiles. Mais il le sait et assume pleinement tous les risques du langage, en connaît effectivement toute son utilité apparente : « Le langage recouvre des degrés multiples de compré-hension et d’interprétation de la réalité objective : en verticalité, en transversalité, en affectivité, et il est souvent inutile de parler ». Mais de quelle planète vient John Nash ? Il n’est pas en effet de la planète terre, il est d’un autre souffle, d’une autre vigueur, d’une autre vision, d’une autre pensée…

© Raynaldo Pierre Louis,
Poète-écrivain
République Dominicaine, novembre 2014